par le Comité rennais de l’Association France Palestine Solidarité
L’antisémitisme est instrumentalisé par les partisans des gouvernants israéliens. Pour les défenseurs inconditionnels de la politique israélienne, critiquer Israël serait faire acte d’antisémitisme ou, à tout le moins, apporterait inévitablement de l’eau au moulin des antisémites. Ce que certains appellent « le nouvel antisémitisme » revient à affirmer que l’antisémitisme aujourd’hui en France serait propre aux « jeunes des quartiers », aux jeunes Français enfants de l’immigration. Tel n’est pas le cas, loin s’en faut. Mais force est néanmoins de constater un lien entre certains actes antisémites et les événements du Proche-Orient1 et une instrumentalisation, par certains, de la cause palestinienne pour alimenter l’antisémitisme. C’est totalement inacceptable, cela détourne une partie de la population, potentiellement sympathisante de la cause palestinienne, d’un réel soutien à la Palestine et cela nuit gravement à sa cause. Mais, lutter efficacement contre ce phénomène, implique de bien comprendre le terreau sur lequel il prend racine. C’est cet écheveau, hautement complexe, qu’il nous faut démêler.
La mauvaise réponse consiste, au nom de la lutte contre l’antisémitisme, à minimiser le mal-être de certaines catégories de population, à superposer au déni de leur propre univers de discriminations et de violences policières, le déni du droit international et de la colonisation des territoires occupés palestiniens. Il s’agit au contraire de débattre et d’agir avec elles, afin de susciter la prise de conscience qu’elles ne sont pas les seules à penser la même chose sur les problèmes sociaux français, sur le racisme qu’elles subissent et aussi sur la situation internationale, afin de provoquer des rencontres, des réflexions et de la solidarité. Seul un regard global et rationnel peut permettre de sortir du cadre ethnico-religieux, terrain privilégié par certains idéologues et leurs relais médiatiques.
Le non respect des droits légitimes du peuple palestinien existe bel et bien. Il faut œuvrer pour l’application du droit international. Comme l’a écrit Pascal Boniface : « Ce qui dresse les uns contre les autres, ce n’est pas d’évoquer la réalité, c’est de ne pas s’indigner de la même façon en présence de faits répréhensibles comparables, mais de graduer son indignation en fonction de l’identité de la victime. Ce qui dresse les uns contre les autres, c’est d’agir comme si tous les Français n’étaient pas égaux et n’avaient pas droit à la même protection ni à la même solidarité. Demander l’égalité de traitement entre tous les Français, ce n’est pas les dresser les uns contre les autres mais les rassembler ». Maxime Rodinson écrivait en 1967 : « On n’arrivera pas à la paix en disant aux Arabes qu’ils ont le devoir d’applaudir leurs conquérants parce que ceux-ci sont européens… développés, révolutionnaires ou socialistes, encore moins parce qu’ils sont tout simplement juifs ». « On » n’arrivera pas plus à convaincre les jeunes d’origine arabo-musulmane en leur répétant à l’envi qu’ils doivent applaudir Israël parce qu’il représenterait la démocratie et la modernité dans un monde arabe irrémédiablement inculte et fanatique. « On » n’offrira aucun barrage à l’antisémitisme en excusant systématiquement, ou pire en soutenant la politique d’épuration ethnique et de colonisation israélienne.
Le temps doit être à l’action commune pour plus de justice. Pour lutter contre l’antisémitisme, il est indispensable d’entendre les revendications et récriminations des personnes discriminées, même si elles sont parfois instrumentalisées. Il faut leur donner acte qu’il n’y a pas de justice sociale en France ; qu’une partie de la population est victime de discriminations racistes ; qu’il y a une politique de deux poids deux mesures au plan international ; que les puissances occidentales ne se sont pas départies d’un positionnement néocolonial sur le reste de la planète. Il est important de comprendre que la majorité des griefs des jeunes des quartiers dénote une réelle prise de conscience des problèmes, mais que c’est l’analyse des responsabilités qui est mauvaise et qu’aucune perspective politique n’est avancée pour en sortir, que ce soit sur le plan national ou sur le plan international. Ainsi Alain Soral, par exemple, qui peut avoir une influence perverse sur leurs représentations, dénonce avec force « le système » mais se garde bien de proposer des perspectives politiques, ce qui lui permet de ratisser large, du côté des musulmans comme du côté des catholiques intégristes. Ceux-là même qui prétendent dénoncer le « judaïsme gouverneur de la planète » sont parfaitement intégrés dans la recherche du profit. Le système économique qui broie les gens et les peuples porte un nom : c’est le système capitaliste et à sa tête, il y a des gens de toutes couleurs et de toutes religions et qui ont pour point commun de défendre leurs intérêts de classe.
Parce que la question palestinienne renvoie aux valeurs universelles — reconnues par la République —, parce qu’elle peut rassembler des personnes d’horizons politiques, associatifs, culturels, religieux divers, elle peut aussi constituer un facteur de cohésion sociale en France et l’aider à se redéfinir.
La défense des droits des Palestiniens nous place dans une posture de responsabilité morale, « civique », particulière. Notre façon de l’appréhender a des conséquences directes sur notre propre société. L’approche du conflit israélo-palestinien est, pour une part, révélatrice des représentations et des rapports de forces existant dans la société française : appréhension de notre histoire coloniale, de la notion d’identité, de la place des religions dans la société, des valeurs référentielles (démocratie, laïcité…), de l’islamophobie — on parle désormais « d’ennemi intérieur » —, du rôle des médias, etc. À travers la question palestinienne, il est possible d’interroger d’autres sujets sensibles et de les éclairer. Il y a donc un gros chantier mais il est en même temps passionnant.
Actes antisémites et antisémitisme
C’est dans le Rapport Ruffin, en 2004, qu’au sujet de la montée de l’islam radical et de l’antisémitisme, ont été désignés les « jeunes issus de familles originaires de pays où l’antisémitisme est culturellement banalisé ». Ce thème sera largement repris dans les grands médias. Toute tentative visant à politiser un tant soit peu le soutien à la cause palestinienne a été discréditée. En même temps, l’antisémitisme a été séparé des autres formes de racismes.
Des actes antisémites intolérables sont perpétrés. De manière générale, les pics d’antisémitisme sont chronologiquement liés aux événements au Proche-Orient. Ces actes antisémites, qui peuvent aller de l’insulte à l’agression physique sont répertoriés par année. 2000 : 744 ; 2002 : 936 ; 2004 : 974 ; 2009 : 832 ; 2012 : 614 ; 2014 : 851. Ce sont autant de cas de trop. Ils doivent être dénoncés avec fermeté. Leur nombre doit nous alerter mais, en même temps, leur proportion doit être rapportée aux autres délits racistes (voir les chiffres de la CNCDH).
Si l’antisémitisme n’a pas disparu et peut même être ponctuellement en augmentation, notamment à l’occasion des événements en Israël-Palestine — + 58 % en 2012 par exemple —, il est un fait qu’il n’a plus droit de cité : dans la loi, les actes antisémites sont définis séparément des autres actes racistes et/ou xénophobes — séparation qui doit être objet d’une réflexion, vus ses effets pervers — et aujourd’hui aucun de ces actes ne passe plus au travers des mailles de la justice. De la même manière — et c’est heureux ! —, aucun fonctionnaire d’État ne peut avoir une attitude antisémite sans être immédiatement révoqué. Il faut toutefois noter une différence de traitement médiatique entre les différents délits, relativement à leur proportion réelle par rapport à ce qui concerne les autres types d’actes racistes, ce qui n’est pas sans alimenter le sentiment du « deux poids, deux mesures ». Au regard de l’histoire de l’Europe, on peut comprendre l’extraordinaire force symbolique intolérable de chaque acte antisémite. La question n’est pas de le nier mais d’avoir des éléments d’analyse permettant de comprendre pourquoi, et dans quelles proportions, des victimes d’autres délits peuvent se sentir abandonnés et en ressentir de l’amertume. Il n’est pas inutile non plus de garder en mémoire comment, à certaines occasions, une forme d’aveuglement a pu conduire médias et responsables politiques à des interprétations hâtives (actes d’antisémitisme non vérifiés). Cette façon de faire est dangereuse car elle peut contribuer à délégitimer par avance toute dénonciation d’acte antisémite et, par ce fait, banaliser l’antisémitisme.
On peut globalement affirmer que la « pensée antisémite » a très largement diminué dans la société française, bien qu’il reste incontestablement une certaine forme d’antisémitisme « irréductible » et qui ne s’exprime pas ouvertement. À la question : « Est-ce qu’un Juif français est aussi français qu’un autre Français ? », en 1946, on avait 37 % de oui ; en 1966 : 60 % de oui ; en 1978 : 83 % ; en 1987 : 94 % ; et en 2005 : 92 % de oui. À la question : « Souhaitez-vous éviter un Président de la République juif ? », en 1966 : 50 % de oui ; en 1978 : 24 % ; et en 2005 : 3 % de oui. Mais à la question : « Avez-vous l’impression que l’antisémitisme se répand ? », on avait, par exemple, en 2005 : 76 % de oui. La population a donc en partie un sentiment inverse à la réalité ; ce n’est sans doute pas sans lien avec le traitement médiatique qui lui est accordé.
Tous les indicateurs chiffrés, notamment de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) montrent une corrélation étroite entre les pics d’actes antisémites et les événements du Proche-Orient. Le discours tenu par les instances dites représentatives de la communauté juive prétend que l’antisémitisme serait viscéral chez les Musulmans, la situation au Proche-Orient ne serait finalement qu’un prétexte, l’antisémitisme se cachant derrière l’antisionisme. En même temps, ces mêmes instances dénoncent l’antisémitisme en brandissant des drapeaux d’Israël et des portraits de ses dirigeants.
Admettre une corrélation avec les événements du Proche Orient, c’est conférer à ce racisme anti-juif un caractère conjoncturel et se donner les moyens de le combattre par un discours politique. Encore faudrait-il pour cela accepter de reconnaître le caractère colonial de la politique israélienne. Hannah Arendt refusait le mythe d’un antisémitisme éternel, a-historique et plaidait pour l’acceptation « de toute discussion du problème en terme spécifiquement historique ». Pour elle, le véritable antisémitisme est théorisé et « les victimes sont innocentes, même du point de vue de l’agresseur ». Aujourd’hui, il s’agit le plus souvent d’un antisémitisme de l’ignorance qui confond le Juif français avec les dirigeants d’Israël dont il serait forcément complice des violations des droits de l’homme. Et il faut dire qu’en la matière, le CRIF joue un rôle car il entend confondre lutte contre l’antisémitisme et soutien inconditionnel à Israël. Notre premier devoir est donc d’amener à faire la différence en montrant le caractère colonial, et non pas « juif », de l’occupation israélienne.
La polarisation sur l’antisémitisme en matière d’antiracisme a des effets désastreux. En 2004, SOS-racisme, le CRIF, l’UEJF et la LICRA ont refusé de manifester avec le MRAP et la LDH « contre tous les racismes ». Certains comportements racistes émanant de Juifs ne sont pas dénoncés. Dans les grands médias, alors que le discours du CRIF est systématiquement repris, il n’est qu’exceptionnellement fait état d’organisations juives — même sionistes — tenant un autre discours que celui-ci. En mai 2006, a eu lieu le procès de Raphaël Schoeman suite à l’envoi de balles par la poste à des défenseurs des Palestiniens (Lipietz, Bové, Sivan), accompagnées de « La prochaine n’arrivera pas par les PTT ». Pour l’avocat de la défense : « À partir du moment où l’on prend des positions aussi tranchées sur le conflit israélo-palestinien, on prend le risque de recevoir des menaces de cet ordre ». Rien dans les médias. Le 8 mars 2013, Sud-rail a révélé les exigences de Shimon Pérès en visite en France demandant qu’il n’y ait « ni Arabes, ni Noirs, ni Musulman dans le personnel » de son Thalys. Acceptation officielle française pour raisons de sécurité. Rien dans les médias… mais beaucoup de choses sur les réseaux sociaux ! De quoi alimenter la théorie du complot.
Discriminations et islamophobie
Les actes racistes autres qu’antisémites ne sont pas suffisamment signalés. En avril 2009, Amnesty international a dénoncé une augmentation des homicides, coups et insultes racistes, commis par des policiers et parlé d’une impunité de fait. Dans l’opinion publique, les Roms restent les plus mal aimés. La Croix a été seul à écrire le 21 mars 2013, au sujet du rapport de la Commission consultative des droits de l’homme : « Recrudescence des actes et menaces à caractère raciste… vive poussée du sentiment anti-musulman » : 74 % des sondés estiment que la religion musulmane est incompatible avec les valeurs de la société françaises — 25 % pour les Juifs, 11 % pour les chrétiens. Aucun commentaire dans les médias. Médias et politiques disent vouloir combattre les replis identitaires mais leur sélectivité de réaction les alimente.
Il y a beaucoup plus de plaintes de Juifs que d’Arabes ou de noirs : on est en droit de s’interroger sur la réception faite aux uns et aux autres dans les commissariats, et sur l’effet dissuasif que cela peut avoir vis-à-vis de ce genre de démarche. Les actes racistes et xénophobes, par l’obligation de la loi, sont comptabilisés séparément des actes antisémites. Les chiffres du 114, le numéro d’appel pour les témoins et les victimes de discriminations raciales sont les suivants : entre 1999 et 2002, 71 000 appels, seulement 11 000 signalements transmis, 16 condamnations en 2000, 12 en 2001 et 29 en 2002. Racisme et xénophobie : 1 000 cas en 2009, environ 650 en 2012 (dont 28 % antimusulmans), environ 600 en 2013 (dont 226 antimusulmans). D’après la Dilcraon a dépassé, pour la première fois en 2015, le cap des 2000 menaces et actes racistes, antisémites et antimusulmans, avec une augmentation de 223 % d’actes islamophobes (dont 58 % en janvier et novembre). Les enquêtes de terrain montrent que, la plupart du temps, les victimes ne portent pas plainte : est-ce à rattacher avec la façon dont sont reçues les personnes d’origine arabo-musulmane dans les commissariats et dont sont traitées les plaintes par la justice (y compris lorsqu’il y a homicide) ? Particularité : 39 % des actes islamophobes recensés sont commis par des fonctionnaires et 65 % des actes commis dans le service public le sont du fait d’un agent de l’éducation nationale. En 2007-2008, des chercheurs du CNRS ont observé des contrôles d’identité effectués dans des lieux publics parisiens où transitaient 35 000 personnes : la probabilité d’être contrôlé par la police est de 4 à 11 fois plus forte si l’on est perçu comme « noir », de 3 à 13 fois si l’on est perçu comme « arabe ».
L’interdiction des statistiques ethniques fait qu’il est particulièrement difficile de chiffrer l’ampleur des attitudes discriminatoires mais il est, par exemple, avéré qu’à diplôme supérieur égal, les jeunes demandeurs d’emploi des quartiers (à plus forte raison s’ils ont un nom à consonance arabe) ont bien moins de chances de trouver un travail.
Un arsenal juridique spécifique est appliqué concernant l’antisémitisme, étendu par la circulaire Alliot-Marie à des actions citoyennes et non-violentes contre l’occupation israélienne, alors que jamais les critiques concernant l’occupation du Tibet ou de la Tchétchénie ne sont assimilées à du racisme. On constate une impunité totale de la LDJ — pourtant interdite aux USA et même en Israël —, y compris quand elle s’attaque à des militants juifs anticolonialistes : en 2000, un de leurs membres est soupçonné d’attaque à l’arme blanche contre un inspecteur de police ; une attaque de la LDJ a été filmée au Musée d’art moderne de la ville de Paris ; sur le site de la LDJ, on pouvait lire après le décès de Stéphane Hessel : « Stéphane Hessel l’antisémite est mort ! Champagne ! ». Aucune suite, jamais. De son côté, François Hollande aux Invalides, après le décès d’Hessel, a jugé bon de désavouer implicitement son engagement en faveur des droits des Palestiniens : « La sincérité n’est pas toujours la vérité ». L’Europe a mis en quarantaine l’Autriche lorsque le raciste Jorg Haider est arrivé au gouvernement mais n’a pas suspendu son accord d’association avec Israël lorsque l’extrême droite ouvertement raciste est entrée dans le gouvernement israélien.
L’antisémitisme doit-il être considéré comme un racisme à part ? L’apparente « sur-protection » qui semble en découler pour les Juifs par rapport aux autres victimes d’actes racistes n’est-elle pas une illusion, qui masque une mise en péril ? Pour Michèle Sibony, « L’antisémitisme commence toujours par distinguer – exclure – les Juifs du corps social en leur conférant des travers ou des vertus particulières. Les Juifs sont ainsi placés en première ligne et servent de bélier avant de pouvoir servir de boucs émissaires. Par une sur-protection discriminatoire, les Juifs sont aujourd’hui exposés. On peut être exposé et pas protégé ». Redouter le pire n’est pas forcément s’en prémunir. « Ce ne serait pas la première fois que les puissants désigneraient les boucs émissaires aux mal lotis… pour ensuite leur reprocher de les avoir trop bien entendus ! » Si l’histoire de l’antisémitisme justifie qu’on l’étudie séparément, comme le racisme anti-Noirs ou anti-Indiens aux USA, pour autant, son traitement différencié du point de vue judiciaire et policier est injustifié : en République, on n’a pas à hiérarchiser les atteintes à la personne en fonction des origines, des cultures, des religions…
Le racisme biologique est en grande partie dépassé, mais des formes de racisme post-colonial, dont l’islamophobie, gangrènent littéralement notre société. La réalité des discriminations raciales est bien supérieure au racisme proprement dit, à l’idéologie raciste, y compris dans des milieux sociaux où l’antiracisme est jugé légitime. Au temps de l’empire colonial, les territoires étant lointains, ils pouvaient même être attirants par la création d’un espace fantasmatique. A la fin de l’empire, avec le rapatriement d’un colonialisme ultra-marin à l’intérieur de la métropole, s’est brisée une barrière de sécurité : la proximité entraîne la fin de l’exotisme et est vécue comme un danger. Un mécanisme pervers a conduit à inverser causes et effets. Déjà, durant les Trente glorieuses, la gauche a eu du mal à reconnaître le problème colonial. Mais le traitement des émeutes de 2005 fut un tournant majeur où la revendication des droits a été présentée comme n’étant en fait que l’expression d’un communautarisme. Le problème n’était plus « notre » racisme, mais « le leur ». Souvenons-nous de l’argutie selon laquelle « bon nombre de Français blancs souffraient eux aussi de la crise et ne faisaient pas, pour autant, brûler des voitures »… Le problème serait une absence de volonté d’intégration : tout signe extérieur d’attachement à une culture d’origine a été décrit comme un refus d’intégration et une menace. L’instrumentalisation de la laïcité et celle du féminisme ont fait le reste.
Les injustices sociales, une perte d’identité pour tous — que ce soit pour les enfants de l’immigration ou pour tous les ouvriers ou les paysans en proie aux difficultés de l’emploi —, auxquelles s’ajoutent des campagnes politiques et des traitements médiatiques plus que douteux, ont formé le terreau du racisme. Alimenté par la théorie du choc des civilisations, s’est développée l’islamophobie. Alliée à des discriminations raciales, de fait, non reconnues, cela a conduit certains de ceux qui en sont victimes à s’égarer dans la théorie du complot juif. C’est, notamment sur cette vague que surfent Dieudonné, Meyssan et Soral.
Tous les racismes doivent être combattus à part égale. Et pour mener cette lutte, il faut avoir le courage d’affronter leurs causes, sans exclusive et d’en admettre la complexité. Mais pour avoir des chances d’être entendus il faut aussi refuser de hiérarchiser les atteintes aux droits de l’homme et aux droits des peuples. Enfin, il faut se situer dans un cadre résolument historique, rationnel et concret et non pas partir de représentations fantasmées, déconnectées du temps et des événements. Cela implique d’exclure totalement toute approche ethnico-religieuse pour construire une analyse sociologique et politique.